Lea traducteur·rice, un·e acteur·rice qui doit se rendre invisible ?
Une invisibilisation de la traduction nécessaire dans certains types de textes
Traditionnellement, il est dit que lea traducteur·rice est seulement un moyen pour faire passer un message à des personnes qui ne parlent pas la langue du texte d’origine, et qu’une bonne traduction est une traduction qui n’est pas perçue par le public cible comme une traduction, mais comme un texte original qui aurait été rédigé dès le départ pour la culture cible.
Dans le cas d’une traduction technique ou d’une traduction sans ancrage dans la langue ou le territoire dans l’objectif du texte, il parait logique que lea traducteur·rice se rende invisible. Il s’agit de faire passer des idées spécifiques et l’objectif est purement explicatif, comme c’est le cas par exemple de la traduction technique de manuels de fonctionnement.
Alors même qu’il serait possible de penser intuitivement qu’une traduction littérale serait la plus fidèle au texte d’origine, les adaptations rendent au contraire le texte plus idiomatique afin qu’il sonne « juste » auprès du public cible.
L’invisibilisation du processus de traduction est particulièrement importante en ce qui concerne le style ou les expressions idiomatiques. Lea traducteur·rice doit alors être capable d’identifier les expressions et/ou contextes qui seraient compris de manière intuitive par des personnes de la culture d’origine, mais qui pourraient être confus pour les personnes de la culture cible.
C’est le cas notamment des expressions et jeux de mots qui perdent leur sens s’iels sont traduit·es littéralement. Par exemple, il faudra traduire « It’s raining cats and dogs. » (littéralement « il pleut des chat·tes et des chien·nes », qui veut dire qu’il pleut énormément) par « il pleut des cordes » ou « il pleut à torrents ». L’important est que les expressions aient le même impact en français sur les lecteur·rices cibles que celui que les expressions dans la langue cible ont eu sur les lecteur·rices d’origine.
L’invisibilisation du processus de traduction ne correspond donc pas à un processus qui serait purement mécanique et opposé à un processus créatif, ce qui irait dans le sens d’une valorisation des outils de traduction automatique comme Google Traduction par exemple. La traduction comprend toujours un élément de création et d’adaptation si elle doit sonner tout à fait naturelle aux oreilles des lecteur·rices cibles.
La communication inclusive et l’invisibilisation de la traduction
La volonté de traduire de manière inclusive apporte cependant une nuance à cette idée d’effacement des traducteur·rices. En effet, en fonction de la langue de départ et de l’importance du genre dans cette langue de départ, la communication inclusive en français peut devenir un ajout conscient de nuance de la part des traducteur·ices, plutôt qu’uniquement une traduction idiomatique de la manière d’avoir écrit le texte d’origine.
S’ajoute à ceci le choix de la technique de communication inclusive. Le français dispose en effet de différents outils d’inclusion qui sont tous politiques mais sont plus ou moins reconnus comme tels par les lecteur·rices. Le choix de l’utilisation du point médian par exemple tendrait à ajouter un nuance politique radicale à un texte qui n’était pas forcément politique au départ.
Ce travail sur la forme, avec une ligne directrice politique claire, qu’elle soit en définitive visible ou invisible pour les lecteur·rices, suppose la traduction de l’intraduisible. La traduction se retrouve donc confrontée à la problématique non seulement du sens, mais aussi du fonctionnement de la langue.
Par exemple, un texte en anglais qui utilise le « they » pluriel pour renvoyer aux êtres humains pourra être traduit en utilisant le masculin générique « ils », le dédoublement « ils et elles » ou l’inclusif « iels », ou même une reformulation sans pronoms en cas de volonté d’être inclusif·ves mais rejet des dédoublements et des néologismes.
La communication inclusive est donc une preuve visible de la présence des traducteur·rices au regard du texte d’origine, même si les lecteur·rices cibles ne se rendront pas forcément compte de cette visibilité, n’ayant pas toujours accès au texte source ou ne le comprenant pas toujours.